19 juillet 2021 • FED Group • 4 min

Le sprint a démarré l’année dernière, le 13 mars 2020 pour nous tous. Ce jour-là nous étions en cellule de crise pour tenter de rapatrier des collaborateurs bloqués au Maroc, alertés par un SMS d’Air France de l’annulation de tous les vols retours vers la France.
L’excitation était à son apogée, nous étions dans l’effervescence avec un seul objectif : rapatrier nos dix-huit salariés bloqués au Maroc. Cloitrés dans le bureau du directeur de division, chacun sur son téléphone à tenter de joindre tantôt l’ambassade, Air France, SOS International, les salariés eux-mêmes partis à la découverte du désert marocain.
Nous étions concentrés sur l’événement, présageant qu’il se passait quelque chose de grave. C'était le début de plusieurs mois de tumulte, week-ends à tracker les cas contacts et les ports de masques inadaptés, à déployer une énergie folle à maintenir le cap, créer des événements distanciés, communiquer, inventer, innover.

Puis il y a eu une Rencontre. D'abord des échanges anodins autour du thème de la confiance en soi, ce moment où finalement on réalise que ce qu'on a vécu était juste extraordinaire et que malgré les difficultés on a enfin touché du doigt ce qui nous faisait vibrer dans la fonction RH. L'idée nait alors de créer un réseau de femmes ingénieures, afin qu'elles puissent partager et sortir de leur solitude. 

Après des ateliers collaboratifs qui ont permis d’échanger et d'évaluer l'intérêt du sujet auprès de nos salariées, nous avons organisé notre première conférence, autour d’une invitée, DRH du COMEX d'un groupe "male dominated" et dont l'expérience et le recul permettaient de tenir un discours loin du militantisme dangereux dans lequel nous ne souhaitions pas sombrer.

Son témoignage. Le réseau qu’elle-même a cofondé, a commencé tout bonnement par un groupe de collègues, réunies dans un café après le boulot, pour évoquer librement et sans jugement leurs difficultés du quotidien, leurs choix de vie ou le sexisme ordinaire. Plus tard quand le réseau a pris de l'ampleur, les rencontres avec d'autres réseaux d'entreprises se sont succédées. Sa rencontre avec la fondatrice d'un autre réseau de femme a été un virage dans sa vie professionnelle : elle qui suivait les directives et les mobilités depuis des années sans se poser de questions, a été mise au pied du mur d'exprimer enfin son ambition ! Celle de prendre la place... de son patron. Ce sera chose faite dix-huit mois plus tard. Et finalement de réaliser que ce qu'elle imaginait comme inatteignable s'avérait être juste différent. Que si la fiche de poste était opaque, c'était à elle de chercher les réponses et qu'enfin son sentiment d'imposture permanent disparaissait devant les échanges et les dialogues. Que seule la méconnaissance l'isolait.

Alors oui, elle le sait, elle doit certainement sa place à un quota. Mais elle aurait été davantage humiliée de ne pas être choisie au prétexte qu'elle n'était pas un homme. Elle cite ici volontiers Christine Lagarde :"Quand il n’y a pas de règles on cherche des excuses, quand il y a des règles on cherche la femme". Et si mener une vie de maman de quatre enfants n’a pas toujours été simple, elle se sent comme elle dit "alignée" avec ses souhaits et ses envies, tout en admettant qu’elle a un co-pilote idéal, son époux qui la suit dans tous ses choix.

Et si sa définition de la réussite dans la vie rejoint cette notion d’alignement permanent mais fragile avec soi-même, elle n’en oublie pas moins que sa vie a été faite d'autant de moments sombres que de fiertés.

Loin d’être militante tenant un propos à la fois juste, fin et modéré, elle a su en quelques mots nous faire prendre conscience que notre réseau Women in Motion avait aussi sa raison d'être, ne serait-ce que parce qu'il pouvait être utile à une seule personne. A moi du moins, il est utile, puisque créer ce réseau (même s'il m'amène à faire face à l'agressivité ou l'incompréhension de certains) me redonne le sens et la conviction de mon métier. Quand elle a démarré sur son premier poste de RH, son patron lui a dit les mots suivants : "ce sera difficile d’autant plus que tu es une femme, que tu es jolie et que c’est un poste de direction". Cela a raisonné en elle comme un challenge. Inspirant.

Alors oui l'année a été dure, éprouvante, faite de relations disproportionnellement agressives et tendues, de salariés insultants ou indifférents... Mais pas que. Il y a aussi eu de beaux moments, des moments qui vous rappellent pourquoi vous êtes RH. Tout simplement.

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